Le 30 novembre prochain le peuple aura à se prononcer sur l’initiative sur l’or, intitulée "Sauvez l’or de la Suisse".

Cette initiative, lancée le 20 septembre 2011, a abouti le 20 mars 2013, avec 106.052 signatures valables. Cette initiative, si elle est adoptée, introduira dans la Constitution fédérale helvétique un nouvel article, l’article 99a, libellé comme suit :

  • Le rapatriement en Suisse de l’or helvétique stocké sur territoire étranger ;
  • L’interdiction de vendre de l’or ;
  • La reconstitution de 20% du bilan de la BNS sous forme d’or.

D’emblée, il faut préciser que tout le monde politico-médiatique est contre cette initiative – elle remettrait en cause bien des situations acquises par d’aucuns (notamment la banque centrale, les banques commerciales, notre gouvernement cantonal…). Il ne faut pas oublier qu’actuellement une partie du bénéfice de la BNS est redistribué chaque année aux cantons et aux communes. Or, si la BNS était obligée d’acheter des tonnes d’or dont elle ne pourrait ensuite plus rien faire, son bénéfice chuterait. Notre ministre Juillard n’hésiterait ainsi pas à affirmer que notre canton est dans les chiffres rouges à cause de la BNS ! Comme si nous ne recevions déjà pas suffisamment d'argent de par la péréquation financière depuis les autres cantons... Mais bon, il est plus facile de pleurer le martyr plutôt que de prendre les mesures d'austérité qui s'imposent... 

Quels sont les faits ?

Au cours des années 2000, la Banque nationale suisse, la BNS, a vendu 60% de son stock d’or. Elle en détenait 2'600 tonnes, elle n’en détient plus que 1'040, dont 70% se trouvent en Suisse, 20% en Angleterre et 10% au Canada. En 1999, les réserves d’or représentaient 43% des réserves de la BNS et en 2009 18% ; elles n’en représentent aujourd’hui plus que 7,6% (l’or vendu à bas prix entre 2000 et 2005 représente une perte de 27,5 milliards de francs, évaluée au cours actuel). Le montant des réserves de la BNS s’élève aujourd’hui à 500 milliards de francs contre 100 milliards de francs en 2008. Dans ces conditions, comment les réserves ont-elles pu augmenter de 400 milliards de francs en six ans ? Élémentaire Docteur Watson : La BNS a créé de la monnaie, c’est-à-dire des francs suisses, pour acheter des euros et autres monnaies. Autrement dit elle a échangé de l’or contre du papier, voué à ne plus valoir grand-chose à terme, comme cela s’est toujours vérifié depuis l’invention du papier monnaie ou équivalent… 

Au cours de cette période a été prise la décision par la BNS de fixer à 1,20 franc le cours plancher de l’euro. Autrement dit elle a lié le sort du franc suisse à une monnaie faible correspondant à une zone économiquement faible et instable… Il résulte de cette création monétaire, sous couvert d’une politique de même métal, que le pouvoir d’achat du franc a singulièrement baissé pendant la dernière décennie. La conséquence en est que des prix ont fortement augmenté et que d’autres sont restés stables, alors qu’ils auraient dû baisser. Car si l’indice des prix à la consommation est bas pendant toute la période, les prix de l’immobilier et des actifs financiers ont fortement augmenté, grâce à cette création monétaire déraisonnable combinée à des intérêts artificiellement bas. Une hausse des intérêts hypothécaires à un niveau naturel, c’est-à-dire déterminé par le marché, serait fatale à cette bulle… Ce sont les réserves d’or (qui a une valeur intrinsèque) détenues par la BNS, qui ont permis à la Suisse jusqu’à une époque récente (1999) de bénéficier d’une monnaie, qui a perdu moins de pouvoir d’achat que les autres au cours des 100 dernières années et qui était donc relativement saine, stable, sûre et indépendante, ce qui allait de pair avec une économie saine et forte. 

En obligeant la BNS à ne plus vendre d’or, le peuple suisse l’empêchera à l’avenir à dilapider ses avoirs tangibles. La première des exigences de l’initiative est tellement évidente qu’il est difficile d’y trouver à redire. Aujourd’hui, 300 des 1'040 tonnes d’or encore aux mains du pays sont en fait stockées à l’étranger – deux tiers en Grande-Bretagne, un tiers au Canada. La Suisse est jugée assez sûre par des pays tiers pour qu’ils y stockent leurs propres réserves d’or, pourquoi ne pourrait-elle pas y entreposer l’intégralité du sien?

En obligeant la BNS à détenir au minimum 20% de réserves en or (qui peut le moins, peut le plus), le peuple suisse l’obligera par là même à se comporter plus vertueusement que dernièrement, pour complaire à d’aucuns.

"Durant des milliers d’année, l’or était synonyme de prospérité et de force, de confiance et de fiabilité." Jean Zwahlen, directeur de la BNS, juin 1965

 

Pierre Mertenat